Société des jardins méditerranéens
Mediterranean Garden Society
Plantes pour un climat méditerranéen en mutation
Adapter nos plantes et jardins aux changements climatiques
par Trevor Nottle
La photographie en haut de cette page montre Calochortus leichtlinii est un bulbe rustique de Californie centrale qui mériterait d'être utilisé plus largement (Photo University of British Colombia/Sandy Steinman)
Introduction
Pour nous qui jardinons sous des régimes climatiques que l'on qualifie souvent de "méditerranéens", voici ce que nous entendons par ce terme: des hivers courts, frais et humides contrastant avec des étés longs, secs et chauds entrecoupés de périodes brèves et changeantes auxquelles nous donnons le nom de printemps et automne. A l'intérieur de ces vagues similarités, nous sommes soumis à des différences dans les extrêmes: certains d'entre nous subissent des gels et des neiges d'hiver, et d'autres des étés où se succèdent des canicules; certains jardinent en altitude tandis que d'autres le font en zones maritimes; tous ces facteurs ajoutent une profonde dimension de particularité à chacun des lieux dits "méditerranéens". C'est ainsi que se perpétue la longue discussion sur ce qui constitue l'essence même du climat méditerranéen entre jardiniers d'Australie du sud-est, d'Australie de l'ouest, de Californie, du Chili central, de l'Uruguay et de certaines parties de l'Argentine, de la Province du Cap en Afrique du sud et de tous les pays qui entourent la mer Méditerranée. Au cours des temps, les chercheurs ont voulu établir un profil commun à ce type de climat en définissant des "marqueurs de fontières", comme par exemple la limite de la zone où les palmiers dattiers, ou bien les oliviers dominent le paysage agricole; ou bien encore la limite de l'extension des cultures originaires du pourtour de la "mare nostrum", ou même encore l'extension de la religion et du commerce. On considère généralement que l'apogée de cette exploration de la nature du fait méditerranéen a été atteinte dans l'oeuvre de Fernand Braudel. Mais il serait dommage de ne pas considérer aussi les idées d'autres penseurs tels que le yougoslave Predag Matvejevitch, auteur du Bréviaire méditerranéen, Claudio Magris, l'écrivain natif de Trieste, Ibn Battuta, le voyageur marocain du 14ième siècle, l'écologue anglais Oliver Rackham, spécialiste de la flore de Crète. Il nous faudrait aussi tenir compte de commentateurs célèbres comme Joseph Pitton de Tournefort au 18ème, Charles Dickens dans son Voyage en Italie de 1846, Mark Twain l'Américain au 19ème,etc... C'est aussi en partageant la richesse et la profondeur de toutes ces expériences et ces intuitions qui animent nos jardins méditerranéens.
En accord avec les thèses de Louisa Jones dans son tout dernier livre, Mediterranean Landscape Design, je la suis complètement lorsqu'elle interprète les interactions culturelles, sociales et historiques du paysage du monde méditerranéen qui s'expriment dans l'oeuvre des paysagistes et des créateurs de jardins. Ce livre apporte un contribution substantielle à la construction d'un concept global de jardin méditerranéen. Il faut aussi mentionner l'oeuvre de trois auteurs californiens (Chip Sullivan, Jan Smithen et Nancy Gosling-Power), et de trois précurseurs en Europe du sud (Jacqueline Tyrwhitt, Heidi Gildemeister et Hugo Latimer). On attend avec impatience la publication prochaine de la thèse de doctorat de Gwen Fagan sur l'histoire des jardins de la province du Cap en Afrique du sud, et des publications similaires sont attendues au Chili, en Argentine et en Uruguay. J'espère à mon niveau que mes travaux contribueront à ce corpus de recherche, d'observations et de pratiques.
Le changement climatique et les diverses zones de climat méditerranéen dans le monde.
Je n'ai pas l'ambition de décrire de façon exhaustive le travail fait par les météorologues et les climatologues de France et des autres pays du pourtour méditerranéen. D'amples informations sont consultables sur de nombreux sites qui établissent qu'un changement climatique se produit sur les rives de la Méditerranée, comme partout sur notre planète; que ce changement est produit par les activités humaines; que nous devons maintenant affronter les modifications qui ont été générées par ces activités; que nous allons subir un climat plus chaud, plus sec et que ces modifications vent entraîner des chagements dans notre façon de vivre et de travailler. Des travaux similaires sont aussi consultables pour les autres zones de climat méditerranéen comme la Californie, le sud-ouest de l'Australie, et la région du Cap; tous ces travaux sont le résultat d'une recherche entreprise par la Commission Intergouvernementale sur le Changement Climatique, grâce à l'iniative des Nations Unies.
En résumant les différent rapports du CICC, on découvre que les conclusions pour chacune des zones climatiques sont comparables, sinon identiques, en termes de projections de résultats: dans les 50 prochaines années la température de l'air augmentera de 3 à 5 degrés celsius, la pluviométrie baissera mais les inondations pourront devenir plus fréquentes, l'humidité atmosphérique baissera, la période des pluies se contractera, les gels seront moins fréquents mais pourront être plus sévères, les vents saisonniers changeront et souffleront parfois en tempêtes plus fortes, il se peut que les courants marins soient moins puissants ou s'arrêtent. Tous ces phénomènes auront un effet de long terme sur notre modèle climatique habituel, et il faut s'attendre à des ruptures dans les activités humaines comme la santé physique et mentale, le bien-être communautaire, l'organisation sociale et la sécurité, la production alimentaire et la gestion des surplus, la collecte des eaux et sa distribution, et plus généralement les échanges mondiaux, le commerce, le transport, les voyages, les migrations, les communications, la politique et les relations internationales.
Malgré tout ceci, la race humaine a déjà prouvé qu'elle est une collection d'individus adaptables et ingénieux, fort capables de survivre dans des circonstances adverses, d'inventer de nouvelles façons de s'organiser, de mettre au point de nouvelles technologies et de se montrer créatifs; ce qui devrait nous pousser à envisager de manière optimiste la recherche de solutions concrètes et d'actions collectives pour maîtriser les changements qui nous attendent.
Que peuvent faire les jardiniers méditerranéens pour s'adapter au changement climatique?
Alors que certaines adaptations se produiront par des concertations gouvernementales et des des actions systématiques aux divers niveaux nationaux et régionaux, et alors que d'autres adaptations se feront au niveau individuel dans notre façon de travailler, de voyager, de rencontrer les autres, de consommer des services et des produits, il existe aussi des changements que nous pourrons faire dans notre propre jardin.
Collectivement, nous pouvons modifier le type de plantes et de produits que nous achetons pour notre jardin. C'est de cette façon que nous faciliterons des modifications dans l'industrie horticole où que nous habitions. Nous pouvons modifier la façon dont nous concevons notre jardin et faire en sorte d'influencer les paysagistes et les créateurs, ainsi que les métiers du second niveau - les entrepreneurs de travaux, les revendeurs de matériel et de mobilier de jardin, les installateurs d'irrigation, les pépiniéristes, les arboriculteurs etc. Nous pouvons modifier les buts que nous assignons à notre jardin, que ce soit pour les loisirs, les réceptions, ou le décor. Nous sommes libres de renoncer à certaines formes de jardin, notamment à celles qui ne sont plus acceptables. Nous pouvons changer le discours sur les jardins, et le faire savoir autour de nous. Nous pouvons nous éloigner des concepts de mode, d'exclusivité, de nouveauté à tout prix, de dernier cri, et abandonner le changement pour le changement. Le "développement durable" est le terme qui semble s'imposer ici, mais il ne semble induire ni la créativité, ni la diversité et encore moins l'excellence; c'est un concept trop simpliste, trop prosaïque. Nous autres jardiners et créateurs de jardins, nous pouvons faire bien mieux que celà, j'en suis sûr.
Nous pouvons rester fidèle à nos anciens et faire encore mieux. Nous pouvons nous inspirer de la plus haute tradition, comme Louisa Jones et bien d'autres l'ont fait. Nous pouvons repérer ce qui est vraiment durable dans notre jardin et nous en inspirer pour créer nous projeter vers l'avenir. Il est exclu de nous lancer dans le sensationnel ou la modernité à tout prix; notre réponse aux nouvelles circonstances sera sensible et intelligente. Nous accepterons, plutôt que de les nier, les limites à l'intérieur desquelles nous devrons faire notre acte créateur. À l'inverse des jardins absurdes et finalement éphémères de Robert Irwin au Musée Getty de Los Angeles, ou des jardins tropicaux des centres commerciaux dans les étendues glacées du Canada, d'Allemagne et de Russie, nous concèderons au changement climatique que les humains ne sont pas en charge de tout. Qu'ils ne sont pas maîtres de commander, à n'importe quel prix, un programme entièrement à rebours des paramètres du monde naturel.
Ce que chaque jardinier méditerranéen peut entreprendre
Tous ces aspect de l'horticulture méditerranéenne ont été déjà décrits par les auteurs et les chercheurs.
Mais quel peut être l'apport personnel du jardinier méditerranéen?
Mécanismes de survie et d'adaptation des plantes
Bien des jardiniers méditerranéens doivent avoir l'impression qu'il suivent déjà ces préceptes et que, par leur choix de plantes, leurs jardins reflètent ces principes. Pourtant, une étude récente portant sur les plantes utilisées dans les différentes régions méditerranéennes révèle un très forte similarité, une spécialisation régionale timide et pas vraiment beaucoup de diversité expérimentale.
Par ceci, j'entends que nous utilisons une palette commune de plantes typiquement méditerranéennes - lauriers-roses, romarin, oliviers, cistes, santolines, armoises, sauges, agapanthes, mimosas, durantas, euphorbes, mesembryanthemum, agave, aloès etc. - une sélection globale assez éclectique, si vous voulez. En Californie et dans le sud ouest des Etats-Unis nous trouverions un plus grand choix de d'agaves et d'arbustes endémiques comme les céanothes, les ériogonums, les arctostaphylos et les graminées. Dans la Province du Cap on trouverait plus d'espèces et d'hybrides d'aloès, et plus de géophytes indigènes tels que les lachenalias, les amaryllides, les babianas, de nombreuses espèces de pélargoniums et de succulentes. Par contre dans l'Australie du sud-ouest on trouverait plus d'arbustes endémiques tels que les corréas, les prostantheras et des grimpantes comme le hardenbergias. Ceci est normal puisque le processus naturel de sélection et d'introduction de populations de plantes indigènes est en oeuvre. Le transfert des bonnes plantes depuis le champ des collecteurs spécialisés vers le monde plus large du marché de l'horiculture est ce qui a créé la généreuse diversité dont nous pouvons jouir dans nos jardins, grâce au discernement des sélectionneurs. Ce processus s'apparente à une sorte de phénomène d'osmose; une lente infiltration à travers une substance poreuse mais résistante.
Face aux évolutions climatiques, il est de notre devoir en tant que jardiniers et pépinièristes d'accélérer ce processus d'osmose pour faire en sorte que paysages et jardins privés et publics puissent rester d'accueillants refuges de verdure malgré l'environnement en détresse dans lequel nous vivrons. Il y a en faveur de ce choix deux raisons: la première est qu'il est de notre devoir de préparer un choix de plantes adaptées à plus de chaleur et plus de sécheresse; la seconde est qu'il nous faut particper au bien-être de nos communautés en privilégiant particulièrement les questions de santé et d'équilibre mental. Le stress que risque d'engendrer les conditions de vie dans un monde de changements climatiques risque d'être bien plus fort que ce que les chercheurs ont pu calculer jusqu'ici.
Pour permettre le développement d'une telle capacité de résistance, ou de "résilience", chaque jardinier peut choisir d'agir simplement et efficacement en faisant pousser ses plantes à partir de graines.
Quel critères appliquer?
Choisissez des semences de plantes qui poussent dans des régions plus chaudes et plus sèches que celle où vous vivez.
Essayez de cultiver plus de succulentes et de plantes xérophytes et géophytes qui peuvent se révéler plus capables de survie dans les nouvelles conditions.
Elargissez votre choix habituel, et ayez recours si vous habitez dans le sud de la France à des graines d'Australie, de la province du Cap, or du Chili plutôt que du Maroc, de l'Algérie ou des îles Canaries - mais pensez aussi à celles qui peuvent venir de Turquie, d'Israël ou du Liban.
Choisissez des graines de plantes qui s'adapteront aux dimensions de votre jardin, avec moins d'arbres ou de grands arbustes, plus de bulbes et de pérennes, avec quelques grimpantes peut-être.
Soyez exhaustifs dans votre recherche, notamment dans les monographies ou sur internet. Prenez des risques. Prenez plaisir à être chasseur et explorateur de plantes.Et surtout, évitez les plantes qui peuvent devenir envahissantes.
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