Société des jardins méditerranéens
Mediterranean Garden Society

Château Pérouse

Par Jan-Willem Vos

Cet article a été publié dans The Mediterranean Garden n. 103, janvier 2021

La photo en haut de cette page montre une vue du pont japonais dans le jardin fluvial du Château Pérouse

Jan Willem Vos, propriétaire du jardin botanique du Château Pérouse ait généreusement fait don d'une sélection de 500 espèces. Voici la liste de ces graines que les membres de la MGS peuvent commander à Chantal Guiraud.

Depuis une quinzaine d’années, un ambitieux projet botanique prend forme en lieu et place d’un ancien domaine viticole gardois dans le Sud de la France. Il héberge déjà quatre collections labellisées CCVS (Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées). Ce vaste projet tire cependant son originalité du traitement paysager qui a été décidé. Il est en effet conçu de façon à apporter le maximum de microbiote nécessaire à l’acclimatation des plantes issues de toutes les régions du monde, dites de climat méditerranéen. C’est en quelque sorte un biodôme à ciel ouvert.

Le parc se situe sur le Plateau des Costières, premier relief que rencontrent les vents du sud en provenance de la Méditerranée. Il marque la frontière de la Camargue. Emergeants à l’horizon, nous pouvons voir, au nord les contreforts Cévenols, à l’est la chaîne des Alpilles, à l’ouest le Pic Saint Loup et enfin au sud la vue s’étend sur la Camargue et la Petite Camargue. Ces sites protégés sont connus dans le monde entier pour leurs positions stratégiques sur le passage des oiseaux migrateurs. Le climat et les paysages offrent un subtil mélange entre Provence, Languedoc, Cévennes et bord de mer.


le Château Pérouse date du début du XIXe siècle

Avant de devenir un jardin botanique, la propriété fut le royaume des abricotiers pendant 50 ans. Le nouveau propriétaire, passionné d’histoire, de botanique et d’architecture a su déceler immédiatement le potentiel du lieu.

Aux abords du Château se trouvent de magnifiques cèdres, âgés de plus de cent ans, ainsi que d’autres arbres remarquables plantés en bosquets, comme cela se faisait au 19ième siècle.

La mise en valeur du site repose sur la présence des espèces endémiques ainsi que sur la création de vastes zones faisant référence aux différentes parties du monde classées en zone de climat méditerranéen propice au développement d’une multitude de plantes. Le parc déploie sur 6 hectares une palette végétale originale qui permet aux visiteurs de voyager, certes dans le sud de la France, mais également dans d’autres pays qui possèdent une partie de leur territoire soumis à un climat similaire au notre, comme l’Australie, l’Afrique du Sud, le centre du Chili et la Californie.



Près du château: le jardin fluvial au milieu des cèdres

Les espèces végétales plantées dans le jardin botanique proviennent toutes de ces régions au climat méditerranéen qui se caractérise principalement par des étés chauds et secs puis des hivers doux et humides. Cependant de nombreux microclimats existent dans ces zones et les plantes y sont très sensibles.

Pour mieux comprendre leurs besoins, nous nous sommes rendus en observation dans les régions concernées et nous nous sommes appuyés sur des livres dont les auteurs font autorité dans le domaine. Nous récréons tous ces microclimats dans des jardins tests, puis observons la réaction des plantes.

Pour faciliter leur acclimatation, il faut d’abord créer un paysage approprié, par exemple, en utilisant des rochers, en refaçonnant les courbes du terrain, en créant des rivières artificielles. Il faut associer des végétaux compatibles entre eux, comme par exemple installer des plantes de sous-bois sous les arbres. De plus, comme la composition des sols varie dans leurs différents biotopes d’origine, il est nécessaire de composer des substrats qui s’en approchent le plus possible.



Reconstruction de la bordure près de la rivière en février 2019

La quantité (fréquence et intensité) et la qualité (contrôle du pH) de l’eau dans le système d’irrigation doivent être adaptées aux besoins des plantes. Parfois des méthodes plus spécifiques, telle la brumisation, seront utilisées pour recréer une hygrométrie élevée qui convient à certaines plantes. Ces différents microclimats et atmosphères sont en permanence testés quant à la température, l’humidité, la vitesse du vent et le rayonnement solaire. La santé des végétaux est surveillée en permanence par notre équipe de botanistes, ils mesurent ainsi la teneur en chlorophylle à l’aide d’un compteur (SPAD502 + Konica Minolta) qui n’endommage pas les feuilles.


Pépinière de fougères avec un environnement ombragé et très humide dans le jardin Test Australien en août

La quantité d’eau d’arrosage est aussi mesurée afin d’ajuster au mieux les besoins. Nous utilisons notre propre logiciel pour la conception des espaces, l’implantation et la surveillance de nos végétaux. Dans nos dessins, des cercles colorés aident à reconnaitre la distribution des taxons, eux-mêmes identifiés par un numéro défini issu de la base de données. A chaque numéro sont attachées toutes les informations nécessaires pour positionner le taxon dans les plans, y compris l’évolution de sa taille tout au long de sa vie (5, 10, 20 et 50 ans). Ainsi, si nous modifions le contenu de la base de données, le dessin changera automatiquement. L’objectif final est de proposer un paysage « naturel » tout en maitrisant son développement.

Une fois le paysage modélisé et les emplacements définis, il est temps de se concentrer sur les plantes. Nous travaillons en collaboration avec des pépinières spécialisées et des fournisseurs de semences. Mais nous restons vigilants sur la véracité de l’indentification.
Dès leur réception les taxons reçoivent tous une étiquette qu’ils conserveront aussi longtemps qu’ils resteront en pépinière. Lors de la première floraison d’un taxon, nous le prenons en photo et vérifions l’exactitude de l’identification. Ces photos intégrées à la base de données viennent confirmer l’identité.


Gestion de la base de données

Dans les jardins, les taxons sont géo-localisés grâce à un système géométrique (Total-Station Hilti à la précision centimétrique). Nous parvenons ainsi à fusionner virtuel et réalité. Le visiteur peut se promener dans le parc, à l’aide de son smartphone (ou d’une tablette) connecté au site internet, il peut zoomer, cliquer et obtenir les informations liées au végétal qu’il a sélectionné.

Ces informations sont beaucoup plus complètes que sur une étiquette conventionnelle et sont disponibles en trois langues. On les retrouve donc dans la base de données accessible en ligne sur le site internet de Château Pérouse, ou en cliquant sur les plantes dans l’objet Google Map.

La quête d’une bonne acclimatation débute dès le semis. Une fois les semences obtenues auprès de spécialistes du monde entier, certaines d’entre-elles sont confiées à des pépinières reconnues comme les pépinières Arven, Issa, Railhet ou le Monde des Fougères. Ils s’occupent de les faire germer dans leurs serres. Toutefois, la grande majorité des graines sont semées par nous-mêmes dans nos propres serres ou dans notre chambre de culture (3.500 taxons par an en 2018). Nous adaptons le support de culture à la composition du sol afin de maintenir une continuité quand les plantes seront repositionnées dans le parc.


Jeunes plants en pépinière en juillet

Une fois leur résistance testée, elles passent dans les serres d’acclimatation où elles continuent leur développement, après quoi elles sont plantées dans les jardins tests. Les plus sensibles sont cultivées en terrasse afin que nous puissions les observer de près et répondre rapidement à leur réaction. Située derrière le Château, la pépinière a été créée en 2005. Certaines plantes ne sont pas transplantables et sont donc conservées en conteneurs jusqu’à leur plantation définitive. Nous cultivons ainsi des eucalyptus, des protéas, des restios et de nombreux acacias en Airpot®, ce qui aide fortement au développement du système racinaire sain.


Eucalyptus en Airpot après le rempotage en juin

A partir de 2009, nous avons créé quatre jardins tests qui s’offrent aujourd’hui à la visite.

Le premier est dédié à la découverte de toutes les plantes que nous pouvions accueillir dans le jardin. Nous possédons maintenant une grande quantité d’information sur les possibilités de certaines plantes ainsi qu’un savoir-faire essentiel pour créer les meilleures conditions d’accueil de celles-ci.

Un bon mélange des substrats et la qualité de sols sont les éléments essentiels à la réussite des plantations. Sur place nous avons de l’argile rouge, nous avons essayé d’ajouter beaucoup de sable ainsi que des petits cailloux, mais en vain. Force fut de constater que sur les 2.000 taxons testés, seuls 287 restent dans ce jardin aujourd’hui. Beaucoup de plantes ayant survécu ont été transplantées au fil des ans. Ce jardin qui fut planté de manière dense nous a permis de tester le plus grand nombre de plantes possible. 


Le deuxième jardin est consacré aux plantes australiennes. Nous y testons de nouveaux substrats, liés à un très bon drainage. Les bons résultats ont été immédiatement visibles. La composition du sol est proche de celle de sols australiens, la résistance au gel s’est considérablement améliorée car il n’y a pas d’engorgement.

Ce jardin est également aménagé en pépinière afin que nous puissions transplanter les grands sujets grâce à une pelle mécanique. Le sol de ce jardin est en grande partie, constitué de sable, nous prenons donc plusieurs mètres cubes de substrat et positionnons les plantes dans de nouveaux trous faits à l’avance.


Une partie du jardin australien au début de l'été : Acacia implexa, Melaleuca viminea, Acacia covenyi, Melaleuca gibbosa, Melaleuca lateritia, Melaleuca wilsonii, Melaleuca styphelioides

Le troisième jardin a été préparé pour les biomes de type chaparral/garrigue basse des quatre continents. Nous avons un substrat différent, il est composé à 60% de pouzzolane. Les résultats obtenus après deux ans sont bons, ils sont meilleurs que le premier jardin test. Il y a une vraie cohérence du sol lors de la transplantation. Nous y testons de plus en plus d’espèces végétales.


Vue du jardin du chaparral en février

Nos prochaines étapes

Il nous faudra encore quatre ans de culture et l’agrandissement des jardins tests de 10 ha supplémentaires avant de commencer la première tranche des jardins botaniques définitifs.

Le prochain jardin test aura pour objectif la création de tous les microclimats du projet. Il fera partie intégrante du jardin botanique tout en restant un jardin d’essai et une pépinière. L’avantage d’avoir des microclimats de qualité nous permet d’évaluer la meilleure acclimatation propre à chaque taxon, tout en maitrisant son éventuel caractère invasif.

Pour plus d’informations, vous pouvez visiter notre site web sur chateau-perouse.com. Vous aurez également accès à notre large base de données (plus de 18.000 taxons également en anglais). Elle sert de base de travail à nos propres botanistes mais fournit aussi des informations générales issues de notre fonds documentaire et de nos différentes recherches bibliographiques. En cliquant sur les liens, vous serez redirigés sur une page html spécifique à chaque taxon qui offre les informations de germination, l’historique de nos tests, ainsi que petit à petit, d’autres informations et photographies.

The Mediterranean Garden est la marque déposée de la Mediterranean Garden Society dans l’Union Européenne, l’Australie et les États-Unis d’Amérique

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